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tez parler mon âme : — Dès l’instant où je vous ai vue, — mon cœur a volé à votre service. Il fallait cela — pour faire de moi un esclave, et c’est pour l’amour de vous — que je suis un si patient bûcheron.
MIRANDA.

M’aimez-vous ?

FERDINAND.

— Ô ciel ! ô terre ! soyez témoins de ces accents, — et couronnez mes aveux d’une conclusion favorable, — si je dis vrai. Si mes paroles sont creuses, changez — en malheur tout le bonheur qui m’est destiné… Oui, — plus que tout au monde, — je vous aime, je vous estime, je vous honore.

MIRANDA.

Niaise que je suis — de pleurer de ce qui fait ma joie !

PROSPERO, à part.

Noble rencontre — des deux affections les plus rares ! que la grâce divine — pleuve sur les germes de cette union !

FERDINAND.

De quoi pleurez-vous ?

MIRANDA.

— De la nullité de mon mérite, qui n’ose offrir — ce que je désire donner, et ose encore moins prendre — ce dont je mourrais d’être privée… Mais c’est un enfantillage ; — plus mon amour cherche à se cacher, — plus il montre sa grandeur… Arrière, timide subterfuge ! — inspire-moi, franche et sainte innocence ! — Je suis votre femme, si vous voulez m’épouser ; — sinon, je mourrai votre servante. Pour compagne — vous pouvez me refuser ; mais je serai votre esclave, — que vous le veuillez ou non.