Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1865, tome 1.djvu/53

Cette page a été validée par deux contributeurs.

vous, qui comme une lascive paillarde, déréglée sur toute impudicité, allez courant les bras tendus après ce félon et traître tyran qui est le meurtrier de mon père ? Est-ce à une reine et fille de Roi de suivre les appétits des bêtes, et que, tout ainsi que les juments s’accouplent à ceux qui ont vaincu leurs premiers maris, vous suiviez la volonté du Roi abominable qui a tué un plus vaillant et homme de bien que lui, et a éteint, en massacrant Horwendille, la gloire et l’honneur des Danois ? Je ne veux l’estimer mon parent, et ne puis le regarder comme oncle, ni vous comme mère très-chère, l’un n’ayant respecté le sang qui nous devait unir plus étroitement que avec l’alliance de l’autre, qui aussi ne pouvait avec son honneur, ni sans soupçon d’avoir consenti à la mort de son époux, s’accorder jamais aux noces de son cruel ennemi. Ah ! reine Géruthe, c’est à faire aux chiennes à se mêler avec plusieurs, et souhaiter le mariage et accouplement de divers mâles : c’est la lubricité qui vous a effacé en l’âme la mémoire des vaillances et vertus du bon roi votre époux et mon père ; c’est un désir effréné qui a conduit la fille de Rorique à embrasser le tyran Fengon, sans respecter les ombres d’Horwendille, indignées d’un si étrange traitement. — Ce n’est pas être femme et moins princesse en laquelle doit reluire toute douceur, courtoisie, compassion et amitié, que laisser ainsi sa chère géniture à l’abandon de fortune et entre les mains sanglantes et meurtrières d’un félon et voleur. Les bêtes les plus farouches n’en font pas ainsi : car les lions, tigres, onces et léopards combattent pour la défense de leurs faons, et les oiseaux de bec et griffes résistent à ceux qui veulent voler leurs petits, là où vous m’exposez et livrez à mort au lieu de me défendre. N’est-ce pas me trahir,