Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1865, tome 1.djvu/360

Cette page a été validée par deux contributeurs.

HORATIO.

Vous perdrez ce pari, monseigneur.

HAMLET.

Je ne crois pas : depuis qu’il est parti pour la France, je me suis continuellement exercé : avec l’avantage qui m’est fait, je gagnerai. Mais tu ne saurais croire quel mal j’éprouve ici, du côté du cœur. N’importe !

HORATIO.

Pourtant, monseigneur…

HAMLET.

C’est une niaiserie : une sorte d’appréhension qui suffirait peut-être à troubler une femme.

HORATIO.

Si vous avez dans l’esprit quelque répugnance, obéissez-y. Je vais les prévenir de ne pas se rendre ici, en leur disant que vous êtes mal disposé.

HAMLET.

Pas du tout. Nous bravons le présage : il y a une providence spéciale pour la chute d’un moineau. Si mon heure est venue, elle n’est pas à venir ; si elle n’est pas à venir, elle est venue : que ce soit à présent ou pour plus tard, soyons prêts, voilà tout. Puisque l’homme n’est pas maître de ce qu’il quitte, qu’importe qu’il le quitte de bonne heure ? Laissons faire.

Entrent le Roi, la Reine, Laertes, Osric, des seigneurs, des serviteurs portant des fleurets, des gantelets, une table et des flacons de vin.
LE ROI.

— Venez, Hamlet, venez, et prenez cette main que je vous présente.

Le roi met la main de Laertes dans celle d’Hamlet.
HAMLET.

Pardonnez-moi, monsieur, je vous ai offensé, —