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LE SPECTRE

Un meurtre horrible ! le plus excusable l’est ; — mais celui-ci fut le plus horrible, le plus étrange, le plus monstrueux.

HAMLET.

— Fais-le-moi vite connaître, pour qu’avec des ailes rapides — comme l’idée ou les pensées d’amour, — je vole à la vengeance !

LE SPECTRE.

Tu es prêt, je le vois. — Tu serais plus inerte que la ronce qui s’engraisse — et pourrit à l’aise sur la rive du Léthé, — si tu n’étais pas excité par ceci. Maintenant, Hamlet, écoute ! — On a fait croire que, tandis que je dormais dans mon jardin, — un serpent m’avait piqué : ainsi, toutes les oreilles du Danemark — ont été grossièrement abusées par un récit forgé de ma mort. — Mais, sache-le, toi, noble jeune homme ! — le serpent qui a mordu ton père mortellement — porte aujourd’hui sa couronne.

HAMLET.

Ô mon âme prophétique ! Mon oncle ?

LE SPECTRE.

— Oui, ce monstre incestueux, adultère, — par la magie de son esprit, par ses dons perfides — (oh ! maudits soient l’esprit et les dons qui ont le pouvoir — de séduire à ce point !), a fait céder à sa passion honteuse — la volonté de ma reine, la plus vertueuse des femmes en apparence… Ô Hamlet, quelle chute ! — De moi, en qui l’amour toujours digne — marchait, la main dans la main, avec la foi — conjugale, descendre — à un misérable dont les dons naturels étaient — si peu de chose auprès des miens ! — Mais, ainsi que la vertu reste toujours inébranlable, — même quand le vice la courtise sous une forme céleste ; — de même la luxure, bien qu’accouplée à un ange rayonnant, — aura beau s’as-