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ACTE V, SCÈNE III.

tu sois arrivé à ces troupes là-bas, et de là ici : que je puisse être assuré si ces troupes sont amies ou ennemies.

titinius. — Je serai de retour ici dans l’espace d’une pensée.

(Il sort.)

cassius. — Toi, Pindarus, monte plus haut vers ce sommet : ma vue fut toujours trouble ; suis de l’œil Titinius, et dis-moi ce que tu remarques sur le champ de bataille. (Pindarus sort.) Ce jour fut le premier où je respirai : le temps a décrit son cercle, et je finirai au point où j’ai commencé : le cours de ma vie est révolu. — Eh bien ! dis-moi, quelles nouvelles ?

pindarus, de la hauteur. — Oh ! mon seigneur !

cassius. — Quelles nouvelles ?

pindarus. — Vollà Titinius investi par la cavalerie, qui le poursuit à toute bride. — Cependant il galope encore. — Les voilà près de l’atteindre. — Maintenant Titinius… maintenant quelques-uns mettent pied à terre. — Oh ! il met pied à terre aussi. — Il est pris ! — Écoutez, ils poussent un cri de joie.

(On entend des cris lointains.)

cassius. — Descends, ne regarde pas davantage. — Ô lâche que je suis, de vivre assez longtemps pour voir mon fidèle ami pris sous mes yeux ! (Entre Pindarus.) Toi, viens ici : je t’ai fait prisonnier chez les Parthes, et, en conservant ta vie, je te fis jurer que quelque chose que je pusse te commander, tu l’entreprendrais : maintenant remplis ton serment. De ce moment sois libre ; prends cette fidèle épée qui se plongea dans les flancs de César, et traverses-en mon sein. Ne t’arrête point à me répliquer : obéis, prends cette poignée, et dès que j’aurai couvert mon visage comme je le fais en ce moment, toi, dirige le fer. — César, tu es vengé avec la même épée qui te donna la mort.

(Il meurt.)

pindarus. — Me voilà donc libre ! Si j’avais osé faire ma volonté, je n’eusse pas voulu le devenir ainsi. — Ô Cas-