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ACTE V, SCÈNE I.

cassius. — Flatteurs. Rends-toi grâces, Brutus. Si Cassius en avait été cru, cette langue ne nous outragerait pas ainsi aujourd’hui.

octave. — Finissons, allons au fait. Si le débat nous met en sueur, elle coulera plus rouge au moment de la preuve. — Voyez, je tire l’épée contre les conspirateurs : quand pensez-vous que l’épée rentrera dans le fourreau ? Jamais, jusqu’à ce que les vingt-trois blessures de César soient pleinement vengées, ou que le meurtre d’un second César se soit accumulé sur l’épée des traîtres.

brutus. — César, tu ne peux pas mourir de la main des traîtres, à moins que tu ne les amènes avec toi.

octave. — Je l’espère bien ; je ne suis pas né pour mourir par l’épée de Brutus.

brutus. — Ô fusses-tu le plus noble de ta race, jeune homme, tu ne pourrais périr d’une main plus honorable.

cassius. — Écolier mal appris, indigne d’un tel honneur ! l’associé d’un farceur et d’un débauché !

antoine. — Toujours le vieux Cassius !

octave. — Venez, Antoine ; éloignons-nous. Au défi, traîtres ! nous vous le jetons par la face. Si vous osez combattre aujourd’hui, venez en plaine ; sinon, venez quand vous en aurez le cœur.

(Octave et Antoine sortent avec leur armée.)

cassius. — Allons, vents, soufflez maintenant ; vagues, enflez-vous, et vogue la barque ! La tempête est soulevée, et tout est à la merci du hasard.

brutus. — Lucilius, écoutez un mot.

lucilius. — Mon seigneur.

(Brutus et Lucilius s’entretiennent à part.)

cassius. — Messala.

messala. — Que veut mon général ?

cassius. — Messala, ce jour est celui de ma naissance ; ce même jour vit naître Cassius. Donne-moi ta main, Messala : sois-moi témoin que c’est malgré moi que je suis forcé, comme le fut Pompée, de confier au hasard d’une bataille toutes nos libertés. Tu sais combien je fus attaché à la secte d’Épicure et à ses principes aujour-