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ACTE IV, SCÈNE III.

est mûre ; de jour en jour l’ennemi s’élève ; tandis que nous, arrivés à notre plus haut période, nous sommes près de décliner. Les affaires humaines ont leurs marées, qui, saisies au moment du flux, conduisent à la fortune ; l’occasion manquée, tout le voyage de la vie se poursuit au milieu des bas-fonds et des misères. En ce moment, la mer est pleine et nous sommes à flot : il faut prendre le courant tandis qu’il nous est favorable, ou perdre toutes nos chances.

cassius. — Eh bien ! vous le voulez, marchez. Nous vous accompagnerons et nous irons les trouver à Philippes.

brutus. — Les heures les plus profondes de la nuit sont insensiblement arrivées sur notre entretien, et la nature doit obéir à la nécessité à laquelle nous ne concéderons qu’un peu de repos. Il ne nous reste rien de plus à dire ?

cassius. — Rien de plus. Bonne nuit. Demain de grand matin nous serons prêts et en marche.

(Entre Lucius.)

brutus. — Lucius, ma robe. — Adieu, digne Messala. — Bonne nuit, Titinius. — Noble, noble Cassius, bonne nuit et bon repos.

cassius. — Ô mon cher frère, elle a bien mal commencé, cette nuit. — Que jamais semblable discorde ne se mette entre nos âmes ! Ne le permets pas, Brutus.

brutus. — Tout est bien.

cassius. — Bonne nuit, mon maître.

brutus. — Bonne nuit, mon bon frère.

titinius et messala. — Bonne nuit, Brutus, notre maître à tous.

brutus. — Adieu, tous. (Cassius, Titinius et Messala se retirent. — Rentre Lucius, avec la robe de Brutus.) — Donne-moi cette robe. Où est ton instrument ?

lucius. — Ici dans la tente.

brutus. — Tu réponds d’une voix assoupie. Pauvre garçon, je ne t’en fais point un reproche, tu es harassé de veilles. Appelle Claudius et quelques autres de mes