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déploie sur l’onde argentée ta chevelure adorée, et tu seras le lit où je me coucherai. Dans cette supposition brillante, je croirai que la mort est un bien pour celui qui a de tels moyens de mourir, que l’amour, cet être léger, se noie si elle s’enfonce sous l’eau.

LUCIANA.—Quoi, êtes-vous fou de me tenir ce discours ?

ANTIPHOLUS.—Non, je ne suis point fou, mais je suis confondu ; je ne sais comment.

LUCIANA.—Cette illusion vient de vos yeux.

ANTIPHOLUS.—C’est pour avoir regardé de trop près vos rayons, brillant soleil.

LUCIANA.—Regardez ce que vous devez, et votre vue s’éclaircira.

ANTIPHOLUS.—Autant fermer les yeux, ma bien-aimée, que de les tenir ouverts sur la nuit.

LUCIANA.—Quoi ! vous m’appelez votre bien-aimée ? Donnez ce nom à ma sœur.

ANTIPHOLUS.—À la sœur de votre sœur.

LUCIANA.—Vous voulez dire ma sœur.

ANTIPHOLUS.—Non : c’est vous-même, vous la plus chère moitié de moi-même : l’œil pur de mon œil, le cher cœur de mon cœur ; vous, mon aliment, ma fortune, et l’objet unique de mon tendre espoir ; vous, mon ciel sur la terre, et tout le bien que j’implore du ciel.

LUCIANA.—Ma sœur est tout cela, ou du moins devrait l’être.

ANTIPHOLUS.—Prenez vous-même le nom de sœur, ma bien-aimée, car c’est à vous que j’aspire : c’est vous que je veux aimer, c’est avec vous que je veux passer ma vie. Vous n’avez point encore de mari ; et moi, je n’ai point encore d’épouse : donnez-moi votre main.

LUCIANA.—Oh ! doucement, monsieur : arrêtez, je vais aller chercher ma sœur, pour lui demander son agrément.

(Luciana sort.)

(Entre Dromio de Syracuse.)

ANTIPHOLUS de Syracuse.—Eh bien ! Dromio ? Où cours-tu si vite ?

DROMIO.—Me connaissez-vous, monsieur ? Suis-je bien Dromio ? Suis-je votre valet, suis-je bien moi ?