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ouvertes, et les serviteurs, pleins de vin, se moquent, en ronflant, de leurs devoirs. J’ai préparé leur boisson du soir[1], de telle sorte que la Nature et la Mort débattent entre elles s’ils vivent ou meurent.

MACBETH, derrière le théâtre. — Qui est là ? quoi ? holà !

LADY MACBETH. — Hélas ! je tremble qu’ils ne se soient éveillés et que ce ne soit pas fait. La tentative sans l’action nous perd. Écoutons.—J’avais apprêté leurs poignards, il ne pouvait manquer de les voir.—S’il n’eût pas ressemblé à mon père endormi, je m’en serais chargée.—Mon mari !

MACBETH. — J’ai frappé le coup.—N’as-tu pas entendu un bruit ?

LADY MACBETH. — J’ai entendu crier la chouette et chanter le grillon.—N’avez-vous pas parlé ?

MACBETH. — Quand ?

LADY MACBETH. — Tout à l’heure.

MACBETH. — Comme je descendais ?

LADY MACBETH. — Oui.

MACBETH. — Écoute ! —Qui couche dans la seconde chambre ?

LADY MACBETH. — Donalbain.

MACBETH, regardant ses mains. — C’est là une triste vue !

LADY MACBETH. — Quelle folie d’appeler cela une triste vue !

MACBETH. — L’un des deux a ri dans son sommeil, et l’autre a crié, au meurtre ! Ils se sont éveillés l’un et l’autre : je me suis arrêté en les écoutant ; mais ils ont dit leurs prières et se sont remis à dormir.

LADY MACBETH. — Ils sont deux logés dans la même chambre.

MACBETH. — L’un s’est écrié : Dieu nous bénisse ! et l’autre, amen, comme s’ils m’avaient vu, avec ces mains de bourreau, écoutant leurs terreurs ; je n’ai pu répondre amen lorsqu’ils ont dit Dieu nous bénisse !

  1. Possets, boisson composée, en général, à ce qu’il parait, de lait et de vin, et qu’il était alors d’usage de prendre en se couchant.