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ACTE I, SCÈNE III.

il est le même encore lorsqu’il s’agit d’exécuter quelque entreprise noble et hardie. Cette rudesse sert d’assaisonnement à son esprit ; elle réveille le goût, et fait digérer ses paroles de meilleur appétit.

brutus. — Il est vrai. Pour le moment je vais vous laisser. Demain, si vous voulez que nous causions ensemble, j’irai vous trouver chez vous ; ou, si vous l’aimez mieux, venez chez moi, je vous y attendrai.

cassius. — Volontiers, j’irai. D’ici là, songez à l’univers. (Brutus sort.) Bien, Brutus, tu es généreux ; et, cependant, je le vois, le noble métal dont tu es formé peut être travaillé dans un sens contraire à celui où le porte s, a disposition naturelle. Il est donc convenable que les nobles esprits se tiennent toujours dans la société de leurs semblables ; car, quel est l’homme si ferme qu’on ne puisse le séduire ? César ne peut me souffrir, mais il aime Brutus. Si j’étais Brutus aujourd’hui, et que Brutus fût Cassius, César n’aurait pas d’empire sur moi. — Je veux cette nuit jeter sur ses fenêtres des billets tracés en caractères différents, comme venant de divers citoyens et exprimant tous la haute opinion que Rome a de lui. J’y glisserai quelques mots obscurs sur l’ambition de César ; et, après cela, que César se tienne ferme, car nous la renverserons, ou nous aurons de plus mauvais jours encore à passer[1].

(Il sort.)

SCÈNE III

Toujours à Rome. — Une rue. — Tonnerre et éclairs.
Entrent des deux côtés opposés CASCA, l’épée à la main, et CICÉRON.

cicéron. — Bonsoir, Casca. Avez-vous reconduit César chez lui ? Pourquoi êtes-vous ainsi hors d’haleine ? Pourquoi ces regards effrayés ?

  1. Traduction de Voltaire :

    Son joug est trop affreux, songeons à le détruire,
    Ou songeons à quitter le jour que je respire.