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ANTOINE ET CLÉOPÂTRE.

César.

Cléopâtre, rien de ce que vous avez mis en réserve, ni de ce que vous avez déclaré, n’entrera dans le registre de mes conquêtes. Que tout cela reste à vous, disposez-en à votre gré, et croyez que César n’est point un marchand, pour débattre avec vous le prix d’objets vendus par des marchands. Ainsi rassurez-vous ; cessez de vous voir captive de vos pensées. Non, chère reine, notre intention est de régler votre sort sur les avis que vous nous donnerez vous-même. Mangez et dormez, l’intérêt et la pitié que vous m’inspirez vous donnent un ami dans César ; ainsi, adieu.

Cléopâtre.

Ô mon maître et mon souverain !

César.

Non, non, madame. — Adieu.

(César sort avec sa suite.)
Cléopâtre.

Il me flatte, mes filles, il me flatte de belles paroles pour me faire oublier ce que je dois à ma gloire. Mais écoute, Charmiane…

(Elle parle bas à Charmiane.)
Iras.

Finissez, madame, le jour brillant est passé, et nous entrons dans les ténèbres.

Cléopâtre.

Va au plus vite. — J’ai déjà donné les ordres, tout est arrangé. Va, et dépêche-toi.

Charmiane.

J’y vais, madame.

(Dolabella revient.)
Dolabella.

Où est la reine ?

Charmiane.

La voici, seigneur.

(Charmiane sort.)
Cléopâtre.

Dolabella ?

Dolabella.

Madame, comme je vous l’ai juré sur vos ordres, auxquels mon attachement me fait un devoir religieux d’obéir, je viens vous annoncer que César a résolu de partir, en passant par la Syrie, et que dans trois jours il vous envoie devant lui, vous et vos enfants. Profitez de votre mieux de cet avis. J’ai rempli vos désirs et ma promesse.

Cléopâtre.

Dolabella, je ne pourrai jamais m’acquitter envers vous.

Dolabella.

Je vous suis dévoué. Adieu, grande reine ; il faut que je me rende auprès de César.