Ô lune paisible ! lorsque l’histoire dénoncera à la haine de la postérité les noms des traîtres, sois-moi témoin que le malheureux Énobarbus s’est repenti à ta face.
Énobarbus !
Silence ! écoutons encore.
Ô souveraine maîtresse de la véritable mélancolie, verse sur moi les humides poisons de la nuit ; et que cette vie rebelle, qui résiste à mes vœux, ne pèse plus sur moi ; brise mon cœur contre le dur rocher de mon crime : desséché par le chagrin, qu’il soit réduit en poudre, et termine toutes mes sombres pensées ! Ô Antoine, mille fois plus généreux que ma désertion n’est infâme ! ô toi, du moins, pardonne-moi, et qu’alors le monde m’inscrive dans le livre de mémoire sous le nom d’un fugitif, déserteur de son maître ! Ô Antoine ! Antoine !
Parlons lui.
Écoutons-le ; ce qu’il dit pourrait intéresser César.
Oui, écoutons ; mais il dort.
Je crois plutôt qu’il se meurt, car jamais on n’a fait une pareille prière pour dormir.
Allons à lui.
Éveillez-vous, éveillez-vous, seigneur ; parlez-nous.
Entendez-vous, seigneur ?
Le bras de la mort l’a atteint. (Roulement de tambour dans l’éloignement.) Écoutez, les tambours réveillent l’armée par leurs roulements solennels. Portons-le au corps-de-garde ; c’est un guerrier de marque. Notre heure de faction est bien passée.
Allons, viens ; peut-être reviendra-t-il à lui.