Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/167

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
165
ACTE III, SCÈNE IX.

Canidius.

Ils fuient vers le Péloponèse.

Scarus.

Cela est aisé ; et j’irai aussi attendre là l’événement.

Canidius.

Je vais me rendre à César avec mes légions et ma cavalerie ; déjà six rois m’ont donné l’exemple de la soumission.

Énobarbus.

Je veux suivre encore la fortune chancelante d’Antoine, quoique la prudence me conseille le contraire.

(Ils sortent par différents côtés.)



Scène IX

Alexandrie. — Appartement du palais.
ANTOINE et sa suite.
Antoine.

Écoutez, la terre me défend de la fouler plus longtemps. Elle a honte de me porter ! Approchez, mes amis ; je me suis si fort attardé[1] dans le monde que j’ai perdu ma route pour jamais. — Il me reste un vaisseau chargé d’or, prenez-le ; partagez-le entre vous. Fuyez, et allez faire votre paix avec César.

Tous.

Fuir ? Non, pas nous.

Antoine.

J’ai bien fui moi-même, et j’ai appris aux lâches à se sauver et à montrer leur dos à l’ennemi. Amis, quittez-moi ; je suis décidé à suivre une voie dans laquelle je n’ai aucun besoin de vous. Allez. Mon trésor est dans le port ; prenez-le. — Oh ! j’ai suivi celle que je rougis maintenant d’envisager ! Mes cheveux eux-mêmes se révoltent, car mes cheveux blancs reprochent aux cheveux bruns leur imprudence, et ceux-ci reprochent aux autres leur lâcheté et leur folie. — Mes amis, quittez-moi ; je vous donnerai des lettres pour quelques amis, qui vous faciliteront l’accès auprès de César. Je vous en conjure, ne vous affligez point : ne me parlez pas de votre répugnance, suivez le conseil que mon désespoir

  1. Benighted, surpris par la nuit ; nous avons conservé le mot attardé, qui rend assez bien le mot anglais.