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ANTOINE ET CLÉOPÂTRE.

Énobarbus.

Prenons-nous tous par la main. Faites retentir à nos oreilles la plus bruyante musique. Moi, je vais vous placer : ce jeune homme va chanter, chacun répétera le refrain de toute la force de ses poumons.

(Musique. Énobarbus place les convives.)
AIR.

            Viens, monarque du vin,
            Joufflu Bacchus à l’œil enflammé :
            Noyons nos soucis dans tes cuves,
            Couronnons nos cheveux de tes grappes.
Verse-nous, jusqu’à ce que le monde tourne autour de nous :
Verse-nous jusqu’à ce que le monde tourne autour de nous.

César.

Que voulez-vous de plus ? Bonsoir, Pompée. Mon bon frère, laissez-moi vous prier de partir. Nos affaires sérieuses s’indignent de cette légèreté. Aimables seigneurs, séparons-nous. Vous voyez comme nos joues sont enflammées. Le vin a triomphé du robuste Énobarbus, et ma langue entrecoupe tout ce qu’elle dit. Cette folle débauche nous a tous vieillis, en quelque sorte. Qu’est-il besoin de plus de paroles ? Bonne nuit. Cher Antoine, ta main.

Pompée.

Je vous mettrai à l’épreuve sur le rivage.

Antoine.

Vous nous y verrez, seigneur. Donnez-moi votre main.

Pompée.

Oh ! Antoine, tu possèdes la maison de mon père ! — Mais, n’importe : nous sommes amis. Allons, descendez dans la chaloupe.

(Sortent Pompée, César, Antoine et leur suite.)
Énobarbus.

Prenez garde de tomber. — Ménas, je n’irai point à terre.

Ménas.

Non, venez à ma cabine. — Ces tambours, ces trompettes, ces flûtes ! — comment donc ! Que Neptune entende le bruyant adieu que nous disons à ces grands personnages ; sonnez et soyez pendus, sonnez comme il faut.

(Fanfares et tambours. Lépide et Octave s’embarquent.)
Énobarbus.

Holà ! voilà mon chapeau.

Ménas.

Ah ! noble capitaine, venez.

(Ils sortent.)


FIN DU DEUXIÈME ACTE.