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ANTOINE ET CLÉOPÂTRE.

de plus. C’est le même motif qui m’a porté à équiper ma flotte, dont le poids fait écumer l’Océan indigné ; avec elle, je veux châtier l’ingratitude que l’injuste Rome a montrée à mon illustre père.

César.

Prenez votre temps.

Antoine.

Pompée, tu ne peux nous intimider avec tes vaisseaux. Nous te répondrons sur mer. Sur terre, tu sais combien nos forces dépassent les tiennes.

Pompée.

Sur terre, en effet, tes biens dépassent les miens, tu as la maison de mon père ; mais puisque le coucou prend le nid des autres oiseaux, reste-s-y tant que tu pourras.

Lépide.

Ayez la bonté de nous dire, car tout ceci s’éloigne de la question présente, ce que vous décidez sur les offres que nous vous avons envoyées ?

César.

Oui, voilà le point.

Antoine.

On ne te prie pas de consentir. C’est à toi de peser les choses, et de voir quel parti tu dois embrasser.

César.

Et quelles suites peut avoir l’envie de tenter une plus grande fortune.

Pompée.

Vous m’offrez la Sicile et la Sardaigne, sous la condition que je purgerai la mer des pirates, et que j’enverrai du froment à Rome ; ceci convenu, nous nous séparerons avec nos épées sans brèche et nos boucliers sans traces de combat ?

César, Antoine et Lépide.

C’est ce que nous offrons.

Pompée.

Sachez donc que je suis ici devant vous, en homme disposé à accepter vos offres. Mais Marc-Antoine m’a un peu impatienté. Quand je devrais perdre le prix du bienfait en le rappelant, vous devez vous souvenir, Antoine, que, lorsque César et votre frère étaient en guerre, votre mère se réfugia en Sicile, et qu’elle y trouva un accueil amical.

Antoine.

J’en suis instruit, Pompée, et je me préparais à vous exprimer toute la reconnaissance que je vous dois.

Pompée.

Donnez-moi votre main. — Je ne m’attendais pas, seigneur, à vous rencontrer en ces lieux.