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ACTE II, SCÈNE II.

Agrippa.

Permettez-moi, César…

César.

Parle, Agrippa.

Agrippa.

Vous avez du côté maternel une sœur, la belle Octavie. Le grand Marc-Antoine est veuf maintenant.

César.

Ne parle pas ainsi, Agrippa ; si Cléopâtre t’entendait, elle te reprocherait, avec raison, ta témérité…

Antoine.

Je ne suis pas marié, César ; laissez-moi entendre Agrippa.

Agrippa.

Pour entretenir entre vous une éternelle amitié, pour faire de vous deux frères, et unir vos cœurs par un nœud indissoluble, il faut qu’Antoine épouse Octavie : sa beauté réclame pour époux le plus illustre des mortels ; ses vertus et ses grâces en tout genre disent ce qu’elles peuvent seules exprimer. Cet hymen dissipera toutes ces petites jalousies, qui maintenant vous paraissent si grandes ; et toutes les grandes craintes qui vous offrent maintenant des dangers sérieux s’évanouiront. Les vérités même ne vous paraîtront alors que des fables, tandis que la moitié d’une fable passe maintenant pour la vérité. Sa tendresse pour tous les deux vous enchaînerait l’un à l’autre et vous attirerait à tous deux tous les cœurs. Pardonnez ce que je viens de dire : ce n’est pas la pensée du moment, mais une idée étudiée et méditée par le devoir.

Antoine.

César veut-il parler ?

César.

Non, jusqu’à ce qu’il sache comment Antoine reçoit cette proposition.

Antoine.

Quels pouvoirs aurait Agrippa, pour accomplir ce qu’il propose, si je disais : Agrippa, j’y consens ?

César.

Le pouvoir de César, et celui qu’a César sur Octavie.

Antoine.

Loin de moi la pensée de mettre obstacle à ce bon dessein, qui offre tant de belles espérances ! (À César.) Donnez-moi votre main, accomplissez cette gracieuse ouverture, et qu’à compter de ce moment un cœur fraternel inspire notre tendresse mutuelle et préside à nos grands desseins.

César.

Voilà ma main. Je vous cède une sœur aimée