Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 2.djvu/103

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


NOTICE SUR ANTOINE ET CLÉOPÂTRE



On critiquera sans doute, dans cette pièce, le peu de liaison des scènes entre elles, défaut qui tient à la difficulté de rassembler une succession rapide et variée d’évènements dans un même tableau ; mais cette variété et ce désordre apparent tiennent la curiosité toujours éveillée, et un intérêt toujours plus vif émeut les passions du lecteur jusqu’au dernier acte. Il ne faut cependant commencer la lecture d’Antoine et Cléopâtre qu’après s’être pénétré de la Vie d’Antoine par Plutarque : c’est encore à cette source que le poëte a puisé son plan, ses caractères et ses détails.

Peut-être les caractères secondaires de cette pièce sont-ils plus légèrement esquissés que dans les autres grands drames de Shakspeare ; mais tous sont vrais, et tous sont à leur place. L’attention en est moins distraite des personnages principaux qui ressortent fortement, et frappent l’imagination.

On voit dans Antoine un mélange de grandeur et de faiblesse ; l’inconstance et la légèreté sont ses attributs ; généreux, sensible, passionné, mais volage, il prouve qu’à l’amour extrême du plaisir, un homme de son tempérament peut joindre, quand les circonstances l’exigent, une âme élevée, capable d’embrasser les plus nobles résolutions, mais qui cède toujours aux séductions d’une femme.

Par opposition au caractère aimable d’Antoine, Shakspeare nous peint Octave César faux, sans courage, d’une âme étroite, hautaine et vindicative. Malgré les flatteries des poëtes et des historiens, Shakspeare nous semble avoir deviné le vrai caractère de ce prince, qui avoua lui-même, en mourant, qu’il avait porté un masque depuis son avènement à l’empire.

Lépide, le troisième triumvir, est l’ombre au tableau à côté d’An-