Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 1.djvu/97

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
91
SUR SHAKSPEARE.

De nouveaux plaisirs ne devaient pas manquer à Shakspeare dans sa retraite. Une disposition naturelle à jouir vivement de toutes choses rendait également propre au bonheur d’une vie paisible celui qu’elle avait distrait des vicissitudes d’une vie agitée. Le premier mûrier qui ait été introduit dans le canton de Stratford, planté des mains de Shakspeare en un coin de son jardin, de Newplace, a durant plus d’un siècle attesté la douce simplicité des occupations qui remplissaient ses journées. Une aisance suffisante, l’estime et l’amitié de ses voisins, tout semblait lui promettre ce qui couronne si bien une vie brillante, une vieillesse tranquille et honorée, lorsque le 23 avril 1616, le jour même où il avait atteint sa cinquante-deuxième année, la mort vint l’enlever à cette situation commode et calme dont peut-être il n’eût pas toujours livré au repos seul les heureux loisirs.

Rien n’indique le genre de maladie auquel il succomba. Son testament est daté du 25 mars 1616 ; mais la date de février, effacée pour faire place à celle de mars, donne lieu de croire qu’il l’avait commencé un mois auparavant. Il déclare l’avoir écrit en parfaite santé ; mais cette précaution prise si fort à propos dans un âge encore si éloigné de la vieillesse fait présumer que quelque fâcheux symptôme avait éveillé en lui l’idée du danger. Rien n’écarte ou ne confirme cette supposition ; et les derniers jours de Shakspeare sont entourés d’une obscurité encore plus profonde, s’il se peut, que celle de sa vie.

Son testament n’offre rien de remarquable, si ce n’est une nouvelle preuve du peu de place qu’occupait dans sa pensée la femme à qui il s’était si précipitamment uni. Après avoir institué légataire universelle sa fille aînée Susanna, mariée à M. Hall, médecin de Stratford, il laisse des marques d’amitié à plusieurs personnes, parmi lesquelles il oublie sa femme, et ne s’en souvient ensuite que pour lui léguer dans un