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CORIOLAN.

brutus.—À merveille ! parlez : nous vous laissons-là.

sicinius.—Aussi bien, pourquoi s’arrêter ici, pour se voir harceler par une femme qui a perdu la raison ?

volumnie.—Emportez avec vous les prières que j’adresse au ciel pour vous. Je voudrais que les dieux ne fussent occupés qu’à accomplir mes malédictions ! (Les tribuns sortent.) Oh ! si je pouvais les rencontrer seulement une fois par jour !… cela soulagerait mon cœur du poids douloureux qui l’oppresse.

ménénius.—Vous leur avez dit là leur fait ; et, j’en conviens, vous en avez bien sujet : voulez-vous venir souper avec moi ?

volumnie.—La colère est mon aliment : je me nourris de moi-même, et je mourrai de faim en me nourrissant ainsi.—Allons, quittons cette place ; mettons un terme à ces cris et à ces pleurs d’enfant : je veux être Junon dans ma colère. Venez, venez.

ménénius.—Fi donc ! fi donc !

(Ils sortent.)

SCÈNE III

La scène change et représente un chemin entre Rome et Antium.
UN ROMAIN et UN VOLSQUE se rencontrent.

le romain.—Bien sûr, je vous connais, et je suis connu de vous : votre nom, ou je me trompe fort, est Adrien.

le volsque.—Cela est vrai : d’honneur, je ne vous remets pas.

le romain.—Je suis un Romain ; mais je sers, comme vous, contre Rome. Me reconnaissez-vous à présent ?

le volsque.—N’êtes-vous pas Nicanor ?

le romain.—Lui-même.

le volsque.—Vous aviez une barbe plus épaisse, ce me semble, la dernière fois que je vous ai vu : mais le son de votre voix me rappelle vos traits. Quelles nou-