Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 1.djvu/417

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
411
ACTE II, SCÈNE I.

volumnie.—Je ne sais de quel côté me tourner.—Ô mon fils ! sois le bienvenu dans ta patrie ; et vous aussi, général, soyez tous les bienvenus.

ménénius.—Sois mille et mille fois le bienvenu ! Je suis prêt à pleurer et à rire. Mon cœur est tout à la fois triste et gai.—Sois le bienvenu ! Qu’une malédiction dévore le cœur de celui qui n’est pas joyeux de te voir ! Vous êtes trois que Rome doit adorer : mais j’en atteste tous les yeux, nous avons ici quelques vieux troncs ingrats sur lesquels on ne peut greffer la moindre affection pour vous. N’importe : soyez les bienvenus, ô guerriers ! Une ortie ne sera jamais qu’une ortie, et les travers des fous seront toujours folie.

cominius.—Il a toujours raison.

coriolan.—Toujours Ménénius, toujours le même.

le héraut.—Faites place : avancez.

coriolan, à sa mère et à sa femme.—Donnez-moi votre main, et vous la vôtre. Avant que je puisse abriter ma tête sous notre propre toit, mon devoir m’oblige à visiter nos bons patriciens, de qui j’ai reçu mille félicitations, accompagnées d’une foule d’honneurs.

volumnie.—J’ai assez vécu pour voir mes vœux accomplis, et réaliser les songes de mon imagination. Une seule chose te manque, et je ne doute pas que Rome ne te l’accorde.

coriolan.—Sachez, ô tendre mère, que j’aime mieux les servir à mon gré, que de leur commander selon leur goût.

cominius.—Allons au Capitole.

(Fanfares : ils sortent en pompe comme ils sont entrés ; les tribuns restent.)

brutus.—Toutes les langues parlent de lui ; les yeux affaiblis de la vieillesse empruntent le secours des lunettes pour le voir : la nourrice babillarde, toute occupée de jaser de lui, n’entend plus les cris de son nourrisson ; le dernier souillon de cuisine songe à sa parure, arrange son plus beau mouchoir sur sa gorge enfumée, et court gravir sur les murs pour le regarder. On se presse sur les échoppes, dans les boutiques, aux