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ÉTUDE

saient point rapprochés par la complaisance du supérieur qui veut récompenser son inférieur, mais par un droit égal aux plaisirs de la journée : « Quiconque a travaillé à la moisson ou labouré la terre est en ce jour convive par la loi de l’usage… Autour de l’heureux cercle, le moissonneur promène des regards triomphants ; animé par la reconnaissance, il quitte sa place, et, avec des mains brûlées du soleil, il remplit le gobelet pour le présenter à son honoré maître, pour servir à la fois le maître et l’ami, fier qu’il est de rencontrer ses sourires, de partager ses récits, ses noix, sa conversation et sa bière… Tels étaient les jours : je chante des jours depuis longtemps passés[1]. »

Les semailles, la tonte des brebis, toutes les époques, tous les intérêts de la vie rustique, amenaient de semblables réunions, les mêmes banquets et d’autres jeux. Mais quel jour égalait le premier jour de mai, brillant des joies de la jeunesse et des espérances de l’année ? À peine le soleil naissant avait annoncé l’arrivée de ce jour d’allégresse que toute la jeune population répandue dans les bois, les prés, sur les rivages et les collines, courait, au son des instruments, faire sa moisson de fleurs ; elle revenait chargée d’aubépine, de verdure, en ornait les portes, les fenêtres des maisons, en couvrait le mai coupé dans la forêt, en couronnait les cornes des bœufs destinés à le traîner : « Lève-toi, dit Herrick à sa maîtresse, au matin du premier de mai, lève-toi et vois comme la rosée a couvert de paillettes l’herbe et les arbres ; depuis une heure, chaque fleur a pleuré et penche sa tête vers l’Orient. C’est un péché, que dis-je ? c’est une profanation de garder encore le logis, tandis qu’en ce jour, pour prendre mai, des milliers de jeunes filles se sont levées avant l’alouette. Viens, ma Corinne, viens, et vois en passant comme chaque prairie devient une rue, chaque rue un parc verdoyant et orné d’ar-

  1. Farmer’s boy (le Garçon de ferme), par Bloomfield.