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ACTE I, SCÈNE III.

la suivante.—Madame, la noble Valérie vient vous faire une visite.

virgilie.—Permettez-moi de me retirer ; je vous en conjure.

volumnie.—Non, ma fille, je ne vous le permettrai point.—Je crois entendre le tambour de votre époux : je le vois traîner Aufidius par les cheveux, et les Volsques fuir effrayés comme des enfants poursuivis par un ours ; je le vois frapper ainsi du pied ; —je l’entends s’écrier : « En avant, lâches ! quoi ! nés dans le sein de Rome, vous fûtes engendrés dans la peur ? » Essuyant de ses mains couvertes de fer son front ensanglanté, il marche en avant comme un moissonneur qui s’est engagé, ou à tout faucher ou à perdre son salaire.

virgilie.—Son front ensanglanté ? ô Jupiter, point de sang !

volumnie.—Taisez-vous, folle, le sang sur le front d’un guerrier sied mieux que l’or sur les trophées ! Le sein d’Hécube, allaitant Hector, n’était pas plus charmant que le front d’Hector ensanglanté par les épées des Grecs luttant contre lui. Dites à Valérie que nous sommes prêtes à la recevoir.

(La suivante sort.)

virgilie.—Le ciel protège mon seigneur contre le féroce Aufidius !

volumnie.—Il abattra sous son genou la tête d’Aufidius, et foulera aux pieds son cou.

(La suivante rentre avec Valérie et l’esclave qui l’accompagne.)

valérie.—Mesdames, je vous donne le bonjour à toutes deux.

volumnie.—Aimable personne !

virgilie.—Je suis bien heureuse de vous voir, madame.

valérie.—Comment vous portez-vous, toutes deux ? —Mais vous êtes d’excellentes ménagères : quel ouvrage faites-vous là ? Une belle broderie, en vérité ! Et comment va votre petit garçon ?

virgilie.—Je vous remercie, madame, il est bien.

volumnie.—Il aimerait bien mieux voir des épées, et entendre un tambour, que de regarder son maître.