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NOTICE

1755 ; et surtout celui de Thomson, l’auteur des Saisons, dont le talent descriptif est le véritable titre au rang distingué qu’il occupe dans la littérature anglaise.

Nous connaissons en France neuf tragédies sur Coriolan. La première est de Hardy, avec des chœurs, jouée dès l’an 1607, et imprimée en 1626 ; la seconde, sous le titre de Véritable Coriolan, est de Chapoton, et fut représentée en 1638 ; la troisième, de Chevreau, dans la même année ; la quatrième, de l’abbé Abeille, de 1676 ; la cinquième, de Chaligny Des Plaines, 1722 ; la sixième, de Mauger, 1748 ; la septième, de Richer, imprimée la même année ; la huitième, de Gudin, mise au théâtre en 1776. La dernière enfin, du rhéteur La Harpe, représentée en 1784, est la seule qui soit restée au théâtre.

La Harpe se défend d’avoir emprunté son troisième acte à Shakspeare. Sa tragédie, en effet, ressemble fort peu en général à celle de l’Eschyle anglais. Il fallait un grand maître dans l’art dramatique comme Shakspeare pour répandre sur cinq actes tant de vie et de variété. Seul il a su reproduire les héros de l’ancienne Rome avec la vérité de l’histoire, et égaler Plutarque dans l’art de les peindre dans toutes les situations de la vie.

Selon Malone, Coriolan aurait été écrit en 1609. Les événements comprennent une période de quatre années, depuis la retraite du peuple au Mont-Sacré, l’an de Rome 262, jusqu’à la mort de Coriolan.

L’histoire est exactement suivie par le poëte, et quelques-uns des principaux discours sont tirés de la Vie de Coriolan par Plutarque, que Shakspeare pouvait lire dans l’ancienne traduction anglaise de Thomas Worth, faite sur celle d’Amyot en 1576. Nous renvoyons les lecteurs à la Vie des hommes illustres, pour voir tout ce que le poëte doit à l’historien.

La tragédie de Coriolan est une des plus intéressantes productions de Shakspeare. L’humeur joviale du vieillard dans Ménénius, la dignité de la noble Romaine dans Volumnie, la modestie conjugale dans Virgilie, la hauteur du patricien et du guerrier dans Coriolan, la maligne jalousie des plébéiens et l’insolence tribunitienne dans Brutus et Sicinius, forment les contrastes les plus variés et les plus heureux. Une curiosité inquiète suit le héros dans les vicissitudes de sa fortune, et l’intérêt se soutient depuis le commencement jusqu’à la fin. M. Schlegel, admirateur passionné de Shakspeare, observe avec raison, au sujet de cette tragédie, que ce grand génie se laisse toujours aller à la gaieté lorsqu’il peint la multitude et ses aveugles mouvements ; il semble craindre, dit M. Schlegel, qu’on ne s’aperçoive pas de toute la sottise qu’il donne aux plébéiens dans celle pièce, et il l’a fait