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LA TEMPÊTE.

de la blanche neige qui repose sur mon cœur amortit l’ardeur de mes sens[1].

Prospero.

Bien. (À Ariel.) Allons, mon Ariel, viens maintenant ; amène un supplément plutôt que de manquer d’un seul esprit. Parais-ici, et vivement… (À Ferdinand.) Point de langue ; tout yeux ; du silence.

(Une musique douce.)
MASQUE[2].
(Entre Iris.)
Iris.

Cérès, bienfaisante déesse, laisse tes riches plaines de froment, de seigle, d’orge, de vesce, d’avoine et de pois ; tes montagnes herbues où vivent les broutantes brebis, et tes plates prairies où elles sont tenues à couvert sous le chaume ; tes sillons aux bords bien creusés et fouillés qu’Avril, gonflé d’humidité, embellit à ta voix, pour former de chastes couronnes aux froides nymphes ; et tes bois de genêts qu’aime le jeune homme délaissé par la jeune fille qu’il aime ; et tes vignobles ceints de palissades ; et tes grèves stériles hérissées de rocs où tu vas respirer le grand air : la reine du firmament, dont je suis l’humide arc-en-ciel et la messagère, te le demande, et te prie de venir ici sur ce gazon partager les jeux de sa souveraine grandeur ; ses paons volent vite : approche, riche Cérès, pour la recevoir.

(Entre Cérès.)
Cérès.

Salut, messagère aux diverses couleurs, toi qui ne désobéis jamais à l’épouse de Jupiter ; toi qui de tes ailes de safran verses sur mes fleurs des rosées de miel et de fines pluies rafraîchissantes, et qui des deux bouts de ton arc bleu couronnes mes espaces boisés et mes plaines sans arbrisseaux ; toi qui fais une riche écharpe à ma noble terre : pourquoi ta reine m’appelle-t-elle ici sur la verdure de cette herbe menue ?

Iris.

Pour célébrer une alliance de vrai amour, et pour doter généreusement ces bienheureux amants.

  1. Of my liver, de mes reins.
  2. Le masque était une représentation allégorique qu’on donnait aux mariages des princes et aux fêtes des cours.