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ÉTUDE

dans la ville d’York, où les Bretons tenaient son frère Colgrim assiégé ; soixante ans plus tard, elle accompagne Awlaf, roi des Danois, dans le camp d’Athelstan ; au XIIe siècle, on lui fera honneur de la délivrance de Richard Cœur de lion. Ces vieux récits et tant d’autres, quelque douteux qu’on les suppose, prouvent du moins combien étaient présents à l’imagination des peuples l’art et la profession du ménestrel. Un fait plus moderne atteste l’empire que ces poëtes populaires exercèrent longtemps sur la multitude. Hugh, premier comte de Chester, avait statué, dans l’acte de fondation de l’abbaye de Saint-Werburgh, que la foire de Chester serait, pendant toute sa durée, un lieu d’asile pour les criminels, sauf à l’égard des crimes commis dans la foire même. En 1212, sous le règne du roi Jean et au moment de cette foire, Ranulph, dernier comte de Chester, voyageant dans le pays de Galles, fut attaqué par les Gallois et contraint de se retirer dans son château de Rothelan où ils l’assiégèrent. Il parvint à informer de sa situation Roger ou John de Lacy, constable de Chester ; celui-ci intéressa à la cause du comte les ménestrels qu’avait attirés la foire, et ils échauffèrent si bien, par leurs chants, cette multitude de gens sans aveu réunis alors à Chester sous la sauvegarde du privilège de Saint-Werburgh, qu’elle se mit en marche, conduite par le jeune Hugh de Dutton, intendant de lord Lacy, pour aller délivrer le comte. Il ne fut pas nécessaire d’en venir aux mains ; les Gallois, à la vue de cette troupe qu’ils prirent pour une armée, abandonnèrent leur entreprise ; et Ranulph reconnaissant accorda aux ménestrels du comté de Chester plusieurs privilèges dont ils devaient jouir sous la protection de la famille Lacy, qui transféra ensuite ce patronage aux Dutton et à leurs descendants [1].

  1. Sous le règne d’Élisabeth, déchus de leur ancienne splendeur, mais assez importants encore pour que la loi qui ne voulait plus les protéger fût toujours obligée de s’occuper d’eux, les ménes-