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LA TEMPÊTE.

Gonzalo.

Tout lui apporte une douleur[1], en effet. Vous avez parlé plus juste que vous ne croyez.

Sébastien.

Et vous l’avez pris plus raisonnablement que je ne l’espérais.

Gonzalo.

Donc, mon seigneur…

Antonio.

Fi ! qu’il est prodigue de sa langue !

Alonzo.

Je t’en prie, laisse-moi.

Gonzalo.

Bien, j’ai fini ; mais cependant…

Sébastien.

Cependant il continuera de parler.

Antonio.

Parions qui de lui ou d’Adrian chantera le premier.

Sébastien.

Va pour le vieux coq.

Antonio.

Pour le jeune coq.

Sébastien.

C’est dit. L’enjeu ?

Antonio.

Un éclat de rire.

Sébastien.

Tope !

Adrian.

Quoique cette île semble déserte…

Sébastien.

Ah ! ah ! ah !

Antonio.

Allons, vous avez payé[2].

Adrian.

Inhabitable et presque inaccessible…

Sébastien.

Cependant…

Adrian.

Cependant…

Antonio.

Cela ne pouvait pas manquer.

Adrian.

Il faut qu’elle jouisse d’une température[3] subtile, moelleuse et délicate.

Antonio.

La tempérance était une délicate donzelle.

Sébastien.

Oui, et subtile, comme il l’a dit très-savamment.

  1. Dollar, dolour, ont, en anglais, à peu près la même prononciation.
  2. You’ve paid : Dans l’ancienne édition, You’re paid, corrigé, ce me semble avec raison, par M. Steevens. M. Malone paraît assez embarrassé du sens de ce passage, qui cependant ne peut, je crois, laisser aucun doute. On a parié un éclat de rire ; Sébastien, qui a perdu, éclate de rire ; Antonio le prend sur le fait et lui dit : Vous avez payé. Cela est d’un genre de plaisanterie tout à fait conforme au reste de l’entretien de ces deux personnages.
  3. Dans l’anglais, temperance. Il a été impossible, dans la traduction, de conserver le jeu de mots qui paraît de plus faire allusion à quelque allégorie de la tempérance.