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ACTE V, SCÈNE II.

lant une autre langue ? Vous le pouvez, monsieur, j’en suis sûr.

hamlet. — À quoi tend la citation de ce gentilhomme ?

osrick. — De Laërtes ?

horatio. — Sa bourse est déjà vide : il a dépensé toutes ses paroles dorées.

hamlet. — Oui, monsieur, de lui.

osrick. — Je sais que vous n’êtes pas ignorant…

hamlet. — Vous savez cela, monsieur ? Je le voudrais. Et par ma foi ! cependant, si vous le saviez, cela ne prouverait pas grand’chose en ma faveur. Eh bien ! monsieur ?

osrick. — Vous n’êtes pas ignorant du grand mérite que montre Laërtes…

hamlet. — Je n’ose convenir de cela, de peur d’entrer en comparaison avec lui sur ce grand mérite ; car on ne sait bien d’un homme que ce qu’on sait de soi-même.

osrick. — Je parle seulement, monsieur, du mérite qu’il montre pour son arme ; mais d’après l’estime qu’on fait de lui, il n’a pas son égal en son genre.

hamlet. — Quelle est son arme ?

osrick. — La rapière et la dague.

hamlet. — Ce sont deux de ses armes ; mais à la bonne heure !

osrick. — Le roi, monsieur, a gagé contre lui six chevaux barbes ; et lui, il a mis pour enjeu, à ce que j’ai cru comprendre, six rapières et poignards de France, avec toute leur garniture, savoir : ceinturons, pendants, et le reste. Trois de ces équipages sont, en honneur, très-précieux pour le goût, admirablement accommodés aux poignées ; des équipages de la dernière délicatesse et du travail le plus ingénieux !

hamlet. — Qu’appelez-vous équipages ?

horatio. — Je pensais bien qu’il vous faudrait quelque glose à la marge avant d’être au bout.

osrick. — Les équipages, monsieur, ce sont les pendants.

hamlet. — Le mot serait plus cousin germain de la chose, si nous étions équipés d’un canon au côté [1] ; je

  1. Montaigne dit aussi : « La naïveté n’est-elle pas, selon nous,