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ACTE II, SCÈNE II.

polonius. — Madame, je vous jure que je n’emploie l’art aucunement. Que votre fils est fou, cela est vrai. Il est vrai que c’est une pitié. Et c’est une pitié que cela soit vrai. Sotte figure de rhétorique. Mais disons-lui adieu, car je ne veux pas employer l’art. Ainsi, accordons qu’il est fou ; et maintenant il nous reste à trouver la cause de cet effet, ou, pour mieux dire, la cause de ce méfait ; car cet effet est un méfait qui vient d’une cause. Voilà ce qui demeure démontré, et voici ce qui reste à démontrer. Pesez bien tout. J’ai une fille ; je l’ai, puisqu’elle est encore à moi ; une fille qui, dans son respect et son obéissance, suivez bien, m’a remis ceci. Maintenant, résumez et concluez…

miÀ la céleste idole de mon âme, à la bienheureuse beauté Ophélia…

C’est une mauvaise phrase, une phrase vulgaire. « Bienheureuse beauté » est un mot vulgaire. Mais écoutez ; poursuivons.

miPuissent, dans sa parfaite et blanche poitrine, ces paroles, etc.

la reine. — Ceci lui a été adressé par Hamlet ?

polonius. — Ma bonne dame, attendez un moment, je serai exact.

(Il lit.)

Doute que les étoiles soient de feu,
Doute que le soleil tourne,
Doute que la vérité ne puisse être un mensonge [1],
Mais ne doute jamais de mon amour.

  1. Ceci est vague. Mais pourquoi le traducteur prendrait-il parti quand l’auteur a laissé la pensée en suspens ? Le texte porte :

    Doubt thou, the stars are fire ;
    Doubt that the sun doth move ;
    Doubt truth to be a liar ;
    But never doubt I love.

    Le verbe anglais to doubt signifie tantôt douter, tantôt soupçonner. Fallait-il traduire le troisième vers par « Soupçonne la vérité d’être une menteuse » — ou par : « Doute que la vérité soit une menteuse ? » Les deux sens sont dans le texte ; il fallait les garder dans la traduction, confondus et même confus. N’en-