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ACTE I, SCÈNE V.

épée. Jurez par mon épée de ne jamais parler de ce que vous avez entendu !

le fantôme, sous la terre. — Jurez par son épée !

hamlet. — Bien dit, vieille taupe. Peux-tu travailler si vite sous terre ? Un précieux mineur !… Allons encore plus loin, mes bons amis.

horatio. — Oh par le jour et la nuit, voilà un prodige étrange !

hamlet. — Faites-lui donc l’accueil qu’on fait à un étranger. Il y a plus de choses au ciel et sur la terre, Horatio, qu’il n’en est rêvé dans votre philosophie. Mais allons ; ici comme auparavant, jurez que jamais (et en aide vous soit la miséricorde de Dieu !) si étrange et si bizarre que je puisse me montrer, comme je trouverai peut-être à propos par la suite de m’habiller d’un caractère fantasque, jamais, me voyant en de tels moments, vous ne croiserez les bras de la sorte, ni ne secouerez ainsi la tête, ni ne prononcerez quelqu’une de ces phrases équivoques, comme « Bien, bien, nous savons ; » ou « Nous pourrions, si nous voulions… ; » ou ! « Si nous avions envie de parler… ; » ou : « Si l’on pouvait, il y aurait… ; » ou telle autre parole ambiguë donnant à entendre que vous savez quelque chose de moi… Jurez vous cela ?… Que la grâce et la miséricorde vous soient donc en aide au besoin !

le fantôme, sous la terre. — Jurez !

hamlet. — Calme-toi, calme-toi, âme en peine !… Ainsi, messieurs, je me recommande à vous de toute mon affection, et tout ce qu’un aussi pauvre homme que Hamlet pourra faire pour vous exprimer son attachement et son amitié, Dieu aidant, ne vous manquera pas. Allons-nous en ensemble ; et toujours le doigt sur les lèvres, je vous prie. Notre siècle est en désarroi. Ô fatalité maudite, que je sois jamais né pour le remettre en ordre ! Allons, venez, partons ensemble.

(Ils sortent.)
FIN DU PREMIER ACTE.