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ÉTUDE

la pierre sépulcrale placée au-dessous de la niche sont gravés quatre vers dont voici la traduction :

« Ami, pour l’amour de Jésus, abstiens-toi de fouiller la poussière

ici enclose. Béni soit celui qui épargnera ces pierres, et maudit soit celui qui déplacera mes os ! »

Cette inscription, composée, à ce qu’on croit, par Shakspeare lui-même, fut, dit-on, la cause qui empêcha de transporter son tombeau à Westminster, comme on en avait eu le projet. Il y a peu d’années qu’il se forma, contre le mur de l’église de Stratford, une excavation qui mit à découvert la fosse même où avait été déposé le corps ; le sacristain qui, pour empêcher les déprédations sacrilèges de la curiosité ou de l’admiration, fit la garde près de l’ouverture jusqu’à ce que la voûte fût réparée, ayant essayé de porter la vue au dedans de la tombe, n’y aperçut ni ossement ni cercueil, mais seulement de la poussière. « Il me sembla, ajoute le voyageur qui raconte le fait, que c’était quelque chose que d’avoir vu la poussière de Shakspeare. »

Ce tombeau est aujourd’hui seul en possession des hommages qu’a longtemps partagés avec lui le mûrier de Shakspeare. Vers le milieu du dernier siècle, un M. Castrell, riche ecclésiastique, devint propriétaire de Newplace. Cette habitation, demeurée quelque temps dans la famille Nash, avait depuis passé dans plusieurs mains, et la maison avait été rebâtie, mais le mûrier restait sur pied, objet de la vénération des curieux. M. Castrell, ennuyé des visites qu’il lui attirait, le fit couper, dans l’accès d’une brutalité sauvage que ne se permettrait peut-être pas l’indifférence, mais dont se targue quelquefois cet orgueil furieux de liberté et de propriété qui se croirait compromis s’il s’asservissait à quelque respect pour un sentiment public. Peu d’années après, ce même M. Castrell, sur un démêlé qu’il eut avec la ville de Stratford, à l’occasion d’une légère taxe