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La Duchesse.― Je brûle d’impatience de voir le prince. J’espère qu’il aura beaucoup grandi depuis la dernière fois que je l’ai vu.

Élisabeth. ― Mais j’ai ouï dire que non. On assure même que mon fils York l’a presque regagné pour la taille.

York.― On le dit, ma mère ; mais j’aurais voulu que cela fût autrement.

La Duchesse.― Eh ! pourquoi donc, mon enfant ? Il est bon de grandir.

York.― Grand’maman, un soir que nous étions à souper, mon oncle Rivers disait que je grandissais beaucoup plus vite que mon frère : « Ah ! dit mon oncle Glocester, ce sont les petites plantes qui sont bonnes à quelque chose, et les mauvaises herbes croissent rapidement ; » et depuis ce temps il me semble que j’aimerais mieux ne pas grandir si vite, puisque les belles fleurs viennent lentement, et que les mauvaises herbes se dépêchent.

La Duchesse.― Vraiment, vraiment, celui qui t’a dit cela est lui-même une exception au proverbe : c’était dans son enfance l’être le plus chétif, le plus lent à croître et le moins avancé ; si sa règle était vraie, il devrait être rempli de qualités.

L’Archevêque― Et il n’est pas douteux qu’il ne le soit, ma gracieuse dame.

La Duchesse.― Je veux bien l’espérer, mais permettez l’inquiétude aux mères.

York.― Oh ! si je m’en étais souvenu, j’aurais pu lancer à Sa Grâce, mon oncle, sur sa croissance, une épigramme bien meilleure que celle qu’il m’a dite sur la mienne.

La Duchesse.― Et comment, mon petit York ? Dis-le-moi, je t’en prie.

York.― Vraiment, l’on dit que mon oncle grandissait si vite, que deux heures après sa naissance il pouvait ronger une croûte, tandis que moi, à deux ans, je n’avais pas encore fait seulement une dent. N’est-ce pas grand’maman, ç’aurait été une bonne plaisanterie pour le faire enrager ?