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Ni mes propres craintes, ni l’âme prophétique du vaste univers qui rêve

aux choses à venir, ne peuvent assigner une durée à mon fidèle amour, ni
le regarder comme exposé à une condamnation fatale. La lune mortelle a
supporté son éclipse, et les tristes augures se rient de leurs propres
présages. Les incertitudes sont maintenant parfaitement certaines et la
paix proclame d’éternelles branches d’olivier. Mon amie est
resplendissante de la rosée de ce temps embaumé, et la mort s’incline
devant moi, puisqu’en dépit d’elle je vivrai dans ces pauvres vers,
tandis qu’elle insulte à des tribus stupides et muettes. Et toi, tu
trouveras ici un monument à ta louange, lorsque les cimiers et les

tombeaux de bronze des tyrans auront disparu.


Qu’y a-t-il dans le cerveau que l’encre puisse retracer, et que mon

fidèle cœur n’ait pas dépeint pour toi ? Quoi de nouveau à dire, quoi de
nouveau à enregistrer, pour exprimer mon amour ou ton mérite accompli ?
Rien, cher enfant ; mais cependant, il faut que je redise chaque jour la
même chose, comme de saintes prières. Je ne trouve vieux rien de vieux ;
tu es à moi, je suis à toi, comme le jour où pour la première fois j’ai
célébré ton nom charmant. L’amour éternel dans la nouvelle enveloppe de
l’amour ne craint ni la poussière ni les outrages du temps ; il ne laisse
point de place à des rides nécessaires, l’antiquité lui appartient à
tout jamais, et il trouve la première invention de l’amour là où le
temps et les formes extérieures voudraient faire croire que l’amour est

mort.


Oh ! ne dites jamais que je n’étais pas fidèle, lors même que mon absence

semblerait pouvoir faire douter de ma flamme. Il me serait aussi facile
de me quitter moi-même, que de m’éloigner de mon âme qui repose dans ton
sein. C’est la demeure de mon amour : si j’ai erré au loin comme ceux qui
voyagent, je reviens enfin, au jour dit, et toujours le même, et
j’apporte moi-même de l’eau pour laver ma souillure. Bien que toutes les
erreurs qui assiégent tous les hommes aient régné en moi, ne crois
jamais que mon cœur ait pu être assez