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Maître de mon amour, ton mérite ayant fortement uni ma fidélité à ton

allégeance, je t’envoie cette ambassade écrite pour te témoigner ma
fidélité, non pour faire montre de mon esprit. Une fidélité si grande
qu’un esprit aussi pauvre que le mien peut faire croire sans valeur,
faute de mots pour la dépeindre, si je n’avais l’espoir que quelque
bonne pensée à toi, dans le fond de ton âme, donnera ce qui manque à ma
nudité, jusqu’à ce que toutes les étoiles qui guident les hommes dans
leur marche luisent sur moi gracieusement et, d’un visage favorable,
revêtissent mon affection déguenillée d’un vêtement convenable, pour me
rendre digne de ta précieuse tendresse. Alors j’oserai me vanter de
l’amour que je te porte, jusque-là je n’ose pas montrer mon visage là où

tu pourrais me mettre à l’épreuve.


Épuisé de fatigue, je me hâte d’aller chercher mon lit, doux repos des

membres lassés par la marche ; mais voici que ma tête commence un voyage,
pour faire travailler mon esprit, maintenant que le travail du corps est
achevé ; alors toutes mes pensées m’emportent bien loin du lieu où je me
trouve, pour entreprendre avec ardeur un pèlerinage vers toi, elles
tiennent ouvertes mes paupières qui retombent, et je contemple cette
obscurité que voient les aveugles ; seulement la vue imaginaire de mon
âme présente ton ombre à mes yeux sans regard, et, comme un joyau
apparaissant à travers une nuit obscure, elle embellit la nuit sombre et
rajeunit son vieux visage. C’est ainsi que mon corps le jour, et la nuit

mon esprit ne trouvent point de repos, grâce à toi, grâce à moi.



Sonnets
XXVIII
Comment donc puis-je me conserver dans un état satisfaisant, lorsque je

suis privé des bienfaits du repos ? lorsque la nuit ne soulage pas le
poids du jour, mais que le jour est opprimé par la nuit et la nuit par
le jour ? Lorsque tous deux, bien qu’ennemis de leurs règnes respectifs,
joignent les mains pour me torturer, l’un par la fatigue, l’autre par
ses plaintes, de l’éloignement où je travaille, éloigné surtout de toi.
Pour lui plaire, je dis au jour : Que tu es brillant, et que tu lui fais
honneur quand les nuages couvrent le ciel ; je flatte de même