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I. — Sur le penchant d’une colline dont le sein creusé répétait une lamentable histoire qui partait de la vallée voisine, je résolus d’écouter cette double voix, et je m’étendis sur le sol pour prêter l’oreille à cette triste aventure : bientôt je vis paraître une jeune fille, d’une extrême pâleur : elle déchirait des papiers, elle brisait des bagues, elle accablait l’univers de la pluie et du vent de sa douleur.

II. — Sur sa tête elle portait une ruche tressée de paille, qui abritait son visage du soleil ; à travers la paille on pouvait croire qu’on entrevoyait les restes d’une beauté perdue et évanouie. Le Temps n’avait pas moissonné de sa faux tout ce que la jeunesse avait commencé, la jeunesse n’avait pas non plus tout à fait disparu ; et en dépit de la rage cruelle du ciel, on apercevait encore quelque beauté à travers les fentes de sa vie consumée.

III. — Souvent elle portait à ses yeux son mouchoir, qui était couvert de dessins fantastiques ; elle trempait les images soyeuses dans l’onde amère que sa profonde douleur faisait couler en larmes, et souvent elle lisait les lettres que portait le mouchoir : souvent aussi elle poussait des cris inintelligibles et lamentables, tantôt exhalant sa douleur à haute voix, et tantôt murmurant tout bas.

IV. — Parfois elle levait fixement les yeux comme si elle voulait lancer des traits à la sphère céleste ; parfois elle les tenait tristement attachés à la terre : elle regardait tout droit devant elle, ou bien elle les promenait autour d’elle, sans les arrêter nulle part : ses regards et son âme étaient dans un désordre semblable.

V. — Ses cheveux, qui n’étaient ni épars, ni rattachés on tresses, dénotaient en elle la négligence et l’absence d’orgueil : les uns tombaient hors de son chapeau de paille et pendaient le long de sa joue pâle et amaigrie : les autres restaient cachés dans son filet, et, soumis à l’esclavage, ne cherchaient pas