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le sein d’un homme ; elle vous remplit partout d’obstacles ; elle m’a fait restituer une fois une bourse d’or que j’avais trouvée par hasard ; elle réduit à la mendicité quiconque la garde chez soi ; aussi est-elle bannie de toutes les villes et cités comme une chose dangereuse ; et tout homme qui veut vivre à son aise doit s’arranger pour ne s’en rapporter qu’à soi et se passer d’elle.

premier assassin. ― Corbleu ! la voilà précisément à mon oreille qui veut me persuader de ne pas tuer le duc.

Second assassin. ― Renferme ce diable-là dans ton esprit, et ne l’écoute pas ; il ne veut s’insinuer auprès de toi que pour te coûter ensuite des soupirs.

premier assassin. ― Je suis robuste de ma nature : elle n’aura pas le dessus.

Second assassin. ― C’est parler en brave compagnon jaloux de sa réputation. Allons, nous mettrons-nous à l’ouvrage ?

premier assassin. ― Attrape-le-moi par le haut de la tête avec la poignée de ton épée, et ensuite jetons-le dans cette tonne de malvoisie qui est dans la chambre voisine.

Second assassin. ― Ô l’excellente idée ! Nous en ferons une soupe.

premier assassin. ― Doucement. Il s’éveille….

Second assassin. ― Frappe.

premier assassin. ― Non ; raisonnons un peu avec lui.

Clarence. ― Où es-tu, gardien ? Donne-moi un verre de vin.

premier assassin. ― Vous allez tout à l’heure, milord, avoir du vin tant que vous en voudrez.

Clarence. ― Au nom de Dieu, qui es-tu ?

premier assassin. ― Un homme, comme vous en êtes un.

Clarence. ― Mais non pas, comme moi, du sang royal.

premier assassin. ― Et vous n’êtes pas, comme nous, un homme loyal.

Clarence. ― Ta voix est un tonnerre : mais ton regard est humble !

premier assassin. ― Ma voix est celle du roi : mes regards sont de moi.