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Brakenbury. ― Je resterai, milord ; que Dieu accorde à Votre Grâce un sommeil paisible ! (Clarence s’endort sur une chaise.) Le chagrin intervertit les temps et les heures du repos. Il fait de la nuit le matin, et du midi la nuit. La gloire des princes se réduit à leurs titres ; des honneurs extérieurs pour des peines intérieures, et pour des rêveries imaginaires, ils sentent souvent un monde de soucis inquiets ; en sorte qu’entre leurs titres et un nom obscur, il n’y a d’autre différence que la renommée extérieure.

(Entrent les deux assassins.)

premier assassin. ― Holà ! y a-t-il quelqu’un ici ?

Brakenbury. ― Que veux-tu, mon ami ? Et comment es-tu arrivé jusqu’ici ?

Second assassin. ― Je voulais parler à Clarence.― Et je suis arrivé sur mes jambes.

Brakenbury. ― Quoi ! le ton si bref ?

premier assassin. ― Oh ! ma foi, il vaut mieux être bref qu’ennuyeux. (À son camarade.) Montre-lui notre commission, et trêve de discours.

(On remet un papier à Brakenbury qui le lit.)

Brakenbury. ― Cet ordre m’enjoint de remettre le noble duc de Clarence entre vos mains.― Je ne ferai point de réflexions sur les intentions qui l’ont dicté, je veux les ignorer pour en être innocent. Voilà les clefs,― et voici le duc endormi. Je vais trouver le roi, et lui rendre compte de la manière dont je vous ai remis mes fonctions.

premier assassin. ― Vous le pouvez, mon cher, et c’est un acte de prudence. Adieu.

(Brakenbury sort.)

Second assassin. ― Eh quoi, le tuerons-nous endormi ?

premier assassin. ― Non, il dirait à son réveil que nous l’avons tué en lâches.

Second assassin. ― À son réveil ! imbécile. Il ne se réveillera jamais qu’au grand jour du jugement.

premier assassin. ― Eh bien, il dirait alors que nous l’avons tué pendant qu’il dormait.