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XCVII. — Par pitié, enfin, elle ne peut le retenir plus longtemps ; le pauvre enfant la prie de le laisser aller ; elle se décide à ne plus le retenir, lui dit adieu, et lui recommande d’avoir bien soin de son cœur, qu’il emporte captif dans sa poitrine, jure-t-elle par l’arc de Cupidon.

XCVIII. — Aimable enfant, dit-elle, je vais passer cette nuit dans la douleur, car mon cœur blessé ordonne à mes yeux de veiller. Dis-moi, maître de l’Amour, nous verrons-nous demain ? Dis-moi, nous verrons-nous, nous verrons-nous ; veux-tu me le promettre ? » Il lui répond, non, parce qu’il a l’intention d’aller le lendemain chasser le sanglier avec quelques-uns de ses amis.

XCIX. — Le sanglier ! » s’écrie-t-elle, et une soudaine pâleur couvre son visage, comme une gaze étendue sur une rose purpurine : elle tremble à ses paroles, elle jette ses bras autour de son cou qu’elle enchaîne, elle tombe, toujours suspendue à son cou, elle tombe sur le dos et lui sur son sein.

C. — La voilà dans la lice de l’Amour ; son champion est monté pour le combat : vaine illusion ; il ne veut pas dompter sa monture. Plus malheureuse que Tantale, elle tient l’Élysée et les délices lui échappent.

CI. — Telle que ces pauvres oiseaux, qui, abusés par des grappes peintes, se rassasient par les yeux et souffrent la faim, elle languit dans sa mésaventure, comme ces pauvres oiseaux qui voyaient des baies inutiles. Elle prodigue ses baisers à son amant pour chercher à allumer l’ardeur qu’elle ne trouve point en lui.

CII. — Mais tout est inutile, bonne reine, cela ne sera pas ; elle a osé tout ce qui se pouvait oser : ses prières eussent mérité une plus riche récompense. Elle est l’Amour ; elle aime et n’est point aimée. « Fi donc ! fi donc ! dit-il, vous m’étouffez ; laissez-moi partir, vous n’avez aucune raison de me retenir ainsi. »

CIII. — Tu serais déjà parti, cher enfant, répond-elle, si tu ne m’avais dit que tu voulais chasser le sanglier. Oh ! sois prudent ; tu ne sais pas ce que c’est de blesser avec le fer d’une javeline ce sauvage animal qui aiguise sans cesse des défenses qui n’ont jamais de fourrure, décidé à tuer son adversaire comme un boucher funeste.

CIV. — Sur son dos il a une armée de piques hérissées qui sans cesse menacent ses ennemis ; ses yeux, semblables à des vers luisants, étincellent quand il est irrité ; son groin creuse des tombeaux partout où il passe ; furieux, il frappe