Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1863, tome 8.djvu/32

Cette page n’a pas encore été corrigée

enveloppé les purs et brillants rayons dans une nuit éternelle. Votre aire a été bâtie dans notre nid aérien. Ô Dieu qui le vois, ne le souffre pas ! Il a été conquis par le sang ; qu’il soit perdu de même.

Buckingham. ― Cessez, cessez, par pudeur, si ce n’est par charité.

Marguerite. ― Ne me parlez ni de charité ni de pudeur. Vous en avez agi avec moi sans charité, et vous avez sans pudeur moissonné cruellement toutes mes espérances. Ma charité, c’est l’outrage ; si je rougis, c’est de vivre ; et puisse ma honte entretenir à jamais la rage de ma douleur !

Buckingham. ― Finissez, finissez.

Marguerite. ― Oh ! noble Buckingham ! je baise ta main en signe d’union et d’amitié avec toi. Que le bonheur te suive, toi et ton illustre maison ! Tes vêtements ne sont pas teints de notre sang, et tu n’es pas compris dans mes malédictions.

Buckingham. ― Non, ni personne de ceux qui sont ici : les malédictions expirent en sortant de la bouche qui les exhale dans l’air.

Marguerite. ― Moi, je ne puis m’empêcher de croire qu’elles s’élèvent au ciel, et qu’elles y interrompent le doux sommeil de la miséricorde de Dieu. Ô Buckingham ! prends garde à ce chien ; sois sûr que quand il flatte c’est pour mordre, et que quand il mord, le venin de sa dent s’aigrit jusqu’à causer la mort. N’aie rien à démêler avec lui ; prends garde à lui : le péché, le crime et l’enfer l’ont marqué de leur sceau, et tous leurs ministres l’environnent.

Glocester. ― Que dit-elle, milord Buckingham ?

Buckingham. ― Rien qui arrête mon attention, mon gracieux lord.

Marguerite. ― Quoi ! tu payes de mépris mes conseils bienveillants, et tu flattes le démon que je t’avertis d’éviter ! Oh ! ne manque pas de te le rappeler un jour,