Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1863, tome 8.djvu/157

Cette page n’a pas encore été corrigée
ACTE I, SCÈNE III.

LE CHAMBELLAN.—Quelle perte vont faire nos dames en fait de frivolités ! LOVEL.—Oui, vraiment ; ce seront de grandes douleurs, milords ; ces rusés drôles ont imaginé un moyen tout à fait prompt pour venir à bout de nos dames ; une chanson française, et un violon ; il n’est rien d’égal à cela. SANDS.—Le diable leur donne du violon ! je suis bien aise qu’ils délogent ; car, certes, il n’y a plus aucun espoir de les convertir. Enfin un honnête lord de campagne, tel que moi, chassé longtemps de la scène, pourra hasarder tout bonnement son air de chanson, se faire écouter une heure, et par Notre-Dame, soutenir le ton à l’unisson. LE CHAMBELLAN.—Bien dit, lord Sands, vous n’avez pas encore mis à bas votre dent de poulain. SANDS.—Non, milord, et je n’en ferai rien, tant qu’il en restera un chicot. LE CHAMBELLAN.—Sir Thomas, où allez-vous de ce pas ? LOVEL.—Chez le cardinal : Votre Seigneurie est aussi infitée. LE CHAMBELLAN.—Et vraiment oui ! il donne ce soir à souper ; un grand souper à quantité de lords et de dames : vous y verrez les beautés de l’Angleterre, je puis vous en répondre. LOVEL.—C’est, il faut l’avouer, un homme d’église qui a de la grandeur dans l’âme ; sa main est aussi libérale que la terre qui nous nourrit : la rosée de ses grâces se répand partout. LE CHAMBELLAN.—Cela est certain, il est très-noble ; ceux qui ont dit le contraire ont proféré une noire calomnie. SANDS.—Il le peut, milord ; il a tout ce qu’il lui faut pour cela : l’avarice serait en lui un pire péché que la mauvaise doctrine : les hommes de sa sorte doivent être des plus généreux : ils sont faits pour donner l’exemple. LE CHAMBELLAN.—Sans doute, ils sont faits pour cela ; mais peu en donnent aujourd’hui de si grands.—Ma barge m’attend : vous allez nous accompagner, milord. —Venez, mon bon sir Thomas : autrement nous arrive-