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UN SEIGNEUR.—Que les puissances suprêmes nous en préservent !

PAULINE.—Je vous dis qu’elle est morte, j’en ferai serment, et si mes paroles et mes serments ne vous persuadent pas, allez et voyez, si vous parvenez à ramener la plus légère couleur sur ses lèvres, le moindre éclat dans ses yeux, la moindre chaleur à l’extérieur, ou la respiration à l’intérieur, je vous servirai comme je servirais les dieux. Mais toi, tyran, ne te repens point de ces forfaits ; ils sont trop au-dessus de tous tes remords ; abandonne-toi au seul désespoir. Quand tu ferais mille prières à genoux, pendant dix mille années, nu, jeûnant sur une montagne stérile, où un éternel hiver enfanterait d’éternels orages, tu ne pourrais pas amener les dieux à jeter un seul regard sur toi.

LÉONTES.—Poursuis, poursuis ; tu ne peux en trop dire, j’ai mérité que toutes les langues m’accablent des plus amers reproches.

UN SEIGNEUR, à Pauline.—N’ajoutez rien de plus ; quel que soit l’événement, vous avez fait une faute, en vous permettant la hardiesse de ces discours.

PAULINE.—J’en suis fâchée ; je sais me repentir des fautes que j’ai faites, quand on vient à me les faire connaître. Hélas ! j’ai trop montré la témérité d’une femme ; il est blessé dans son noble cœur. (Au roi.) Ce qui est passé, et sans remède, ne doit plus être une cause de chagrin ; ne vous affligez point de mes reproches. Punissez-moi plutôt de vous avoir rappelé ce que vous deviez oublier.—Mon cher souverain, sire, mon royal seigneur, pardonnez à une femme insensée ; c’est l’amour que je portais à votre reine.—Allons, me voilà folle encore ! —Je ne veux plus vous parler d’elle, ni de vos enfants ; je ne vous rappellerai point le souvenir de mon seigneur, qui est perdu aussi. Recueillez toute votre patience, je ne dirai plus rien.

LÉONTES.—Tu as bien parlé, puisque tu ne m’as dit que la vérité ; je la reçois mieux que je ne recevrais ta pitié. Je t’en prie, conduis-moi vers les cadavres de ma reine et de mon fils ; un seul tombeau les enfermera tous deux,