Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1863, tome 4.djvu/339

Cette page n’a pas encore été corrigée

trop fort pour qu’elle puisse être éteinte par les larmes. Je vous conjure tous, seigneurs, de me juger sur les pensées les plus honorables que votre charité pourra vous inspirer : et que la volonté du roi s’accomplisse.

LÉONTES, aux gardes.—Serai-je obéi ?

HERMIONE.—Quel est celui de vous qui vient avec moi ? —Je demande en grâce à Votre Majesté que mes femmes m’accompagnent ; car vous voyez que mon état le réclame. (A ses femmes.) Ne pleurez point, pauvres amies, il n’y a point de sujet : quand vous apprendrez que votre maîtresse a mérité la prison, fondez en larmes quand j’y serai conduite ; mais cette accusation-ci ne peut tourner qu’à mon plus grand honneur.—Adieu, seigneur : jamais je n’avais souhaité de vous voir affligé ; mais aujourd’hui, j’ai confiance que cela m’arrivera.—Venez, mes femmes ; vous en avez la permission.

LÉONTES.—Allez, exécutez nos ordres.—Allez-vous-en.

(Les gardes conduisent la reine accompagnée de ses femmes.)

UN SEIGNEUR.—J’en conjure Votre Majesté, rappelez la reine.

ANTIGONE.—Soyez bien sûr de ce que vous faites, seigneur, de crainte que votre justice ne se trouve être de la violence. Trois grands personnages sont ici compromis, vous-même, votre reine et votre fils.

LE SEIGNEUR.—Pour elle, seigneur, j’ose engager ma vie, et je le ferai si vous voulez l’accepter, que la reine est sans tache aux yeux du ciel et envers vous ; je veux dire innocente de ce dont vous l’accusez.

ANTIGONE.—S’il est prouvé qu’elle ne le soit pas, j’établirai mon domicile à côté de ma femme, j’irai toujours accouplé avec elle ; je ne me fierai à elle que lorsque je la sentirai et la verrai : si la reine est infidèle, il n’y a plus un pouce de la femme,—que dis-je ? une drachme de sa chair qui ne soit perfide.

LÉONTES.—Taisez-vous.

LE SEIGNEUR.—Mon cher souverain…

ANTIGONE.—C’est pour vous que nous parlons, et non pas pour nous. Vous êtes trompé par quelque instigateur qui sera damné pour sa peine : si je connaissais ce