Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1863, tome 4.djvu/331

Cette page n’a pas encore été corrigée

de guêpes,—pour provoquer l’ignominie à propos du sang du prince mon fils, que je crois être à moi et que j’aime comme mon enfant, sans de mûres et convaincantes raisons qui m’y forcent, dis, voudrais-je le faire ? Un homme peut-il s’égarer ainsi ?

CAMILLO.—Je suis obligé de vous croire, seigneur, et je vous débarrasserai du roi de Bohême, pourvu que, quand il sera écarté, Votre Majesté consente à reprendre la reine et à la traiter comme auparavant, ne fût-ce que pour l’intérêt de votre fils et pour imposer par là silence à l’injure des langues dans les cours et les royaumes connus du vôtre et qui vous sont alliés.

LÉONTES.—Tu me conseilles là précisément la conduite que je me suis prescrite à moi-même. Je ne porterai aucune atteinte à son honneur, aucune.

CAMILLO.—Allez donc, seigneur, et montrez au roi de Bohême et à votre reine le visage serein que l’amitié porte dans les fêtes. C’est moi qui suis l’échanson de Polixène : s’il reçoit de ma main un breuvage bienfaisant, ne me tenez plus pour votre serviteur.

LÉONTES.—C’est assez : fais cela, et la moitié de mon cœur est à toi ; si tu ne le fais pas, tu perces le tien.

CAMILLO.—Je le ferai, seigneur.

LÉONTES.—J’aurai l’air amical, comme tu me le conseilles. (Il sort.)

CAMILLO, seul.—O malheureuse reine ! —Mais moi, à quelle position suis-je réduit ? —Il faut que je sois l’empoisonneur du vertueux Polixène ; et mon motif pour cette action, c’est l’obéissance à un maître, à un homme qui, en guerre contre lui-même, voudrait que tous ceux qui lui appartiennent fussent de même.—En faisant cette action, j’avance ma fortune.—Quand je pourrais trouver l’exemple de mille sujets qui auraient frappé des rois consacrés et prospéré ensuite, je ne le ferais pas encore ; mais puisque ni l’airain, ni le marbre, ni le parchemin ne m’en offrent un seul, que la scélératesse elle-même se refuse à un tel forfait…, il faut que j’abandonne la cour ; que je le fasse ou que je ne le fasse pas, ma