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le misérable.—L’homme qui vit seul est-il donc heureux ? Non. Comme une ville entourée de murailles vaut mieux qu’un village, de même le front d’un homme marié est bien plus honorable que la tête nue d’un garçon. Et si l’escrime vaut mieux que la maladresse, il vaut donc mieux porter corne que de n’en pas avoir. (Sir Olivier Mar-Text entre.) Voilà sir[1] Olivier.—Sir Olivier Mar-Text, vous êtes le bienvenu. Voulez-vous nous expédier ici sous cet arbre, ou irons-nous avec vous à votre chapelle ?

SIR OLIVIER.—N’y a-t-il ici personne pour donner la femme ?

TOUCHSTONE.—Je ne veux la recevoir en don de personne.

SIR OLIVIER.—Vraiment, il faut bien que quelqu’un la donne, autrement le mariage serait irrégulier.

JACQUES se découvre et s’avance.—Continuez, continuez ! Je la donnerai.

TOUCHSTONE.—Bonsoir, mon bon monsieur… comme il vous plaira. Comment vous portez-vous, monsieur ? Je suis charmé de vous avoir rencontré ; Dieu vous récompense de nous avoir procuré votre nouvelle compagnie ; je suis vraiment enchanté de vous voir. J’ai là un petit amusement en train, monsieur. Allons, couvrez-vous, je vous prie.

JACQUES.—Voulez-vous être marié, fou ?

TOUCHSTONE.—De même, monsieur, qu’un bœuf a son joug, un cheval son frein, et le faucon ses grelots, de même un homme a ses envies ; et de même que les pigeons se becquètent, de même un couple voudrait s’embrasser.

JACQUES.—Quoi ! un homme de votre sorte voudrait se marier sous un buisson, comme un mendiant ? Allez à l’église, et prenez un bon prêtre, qui puisse vous dire ce que c’est que le mariage. Cet homme-ci ne vous joindra ensemble qu’à peu près comme on joint une boiserie ;

  1. « Celui qui a pris son premier degré à l’université est en style d’école appelé dominus, et en langue vulgaire sir. » (JOHNSON.)