Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1862, tome 7.djvu/201

Cette page n’a pas encore été corrigée

fatale. Laisse-moi te parler fièrement. — Dis au connétable que nous sommes des guerriers mal vêtus comme en un jour de travail ; que notre éclat et notre dorure sont ternis par une marche pénible, pendant la pluie, dans vos sillons. Il ne reste pas dans notre armée, et c’est, je pense, une assez bonne preuve que nous ne fuirons pas, une seule plume aux panaches, et le temps et l’action ont usé notre parure guerrière. Mais, par la messe, nos cœurs sont parés, et mes pauvres soldats me promettent qu’avant que la nuit vienne, ils seront vêtus de robes fraîches et nouvelles, ou qu’ils arracheront ces panaches neufs et brillants qui ornent la tête des Français, et qu’ils les mettront hors d’état de servir. S’ils tiennent leur parole, comme ils la tiendront, s’il plaît à Dieu, ma rançon alors sera facile à recueillir. Héraut, épargne tes peines. Officieux héraut, ne viens plus me parler de rançon : ils n’en auront point d’autre, je le jure, que ces membres ; et s’ils les ont dans l’état où je compte les laisser, ils n’en retireront pas grande valeur : annonce-le au connétable.

Montjoie. — Je le ferai, roi Henri ; et je prends congé de toi : tu n’entendras plus la voix du héraut.

(Il sort.)

Le roi. — Et moi, j’ai bien peur que tu ne reviennes encore parler de rançon.

(Entre le duc d’York.)

York. — Mon souverain, je vous demande à genoux la grâce de conduire l’avant-garde.

Le roi. — Conduis-la, brave York. Allons, soldats, marchons en avant. — Et toi, grand Dieu, dispose à ta volonté de cette journée !

(Ils sortent.)

    Sur ses champs empestés confusément épars ;
    Ces montagnes de morts, privés d’honneurs suprêmes,
    Que la nature force à se venger eux-mêmes ;
    Et de leurs troncs pourris exhalent dans les vents
    De quoi faire la guerre au reste des vivants.

    Voltaire, dans sa lettre à l’Académie française, oppose les vers qui précèdent à un passage de Shakspeare, mais il s’est prudemment arrêté à ce vers que nous venons de citer. (Steevens.)