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ACTE IV

le chœur. Maintenant figurez-vous ce temps de la nuit où l’on n’entend plus qu’un faible murmure, où les aveugles ténèbres remplissent l’immense vaisseau de l’univers. De l’un à l’autre camp, dans le sein obscur de la nuit, le bourdonnement des deux armées diminue par degrés. Les sentinelles, de leurs postes éloignés, s’entendent presque parler. Les feux des deux camps se répondent, et, à leurs pâles lueurs, chaque armée voit les casques et les visages ennemis dessinés dans l’ombre. Le coursier menace le coursier, et perce l’oreille engourdie de la nuit de ses fiers et longs hennissements. Des tentes s’élève un bruit de hâtifs marteaux qui, sous leurs coups précipités, achèvent ou polissent l’armure des chevaliers, signal de terribles apprêts. Les coqs des hameaux voisins chantent, les cloches sonnent, et nomment la troisième heure du paresseux. Fiers de leur nombre, et pleins de sécurité, les Français présomptueux jouent aux dés les Anglais qu’ils dédaignent : dans leur impatience, ils querellent la marche rampante de la nuit, qui, comme une fée difforme et boiteuse, se traîne à pas si lents. Les malheureux Anglais, condamnés à périr comme des victimes, sont assis et mornes auprès de leurs feux, et ruminent en eux-mêmes les dangers du lendemain. A leur triste maintien, à leurs visages hâves et décharnés, à leurs habits usés par la guerre, on les prendrait, aux rayons de la lune, pour autant de fantômes hideux. — Que celui qui suivra de l’œil le chef royal de ces troupes délabrées, marchant de garde en