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de peu de valeur : ainsi, va donc, et parle ; le duc t’écoutera : empêche que le fil de la vie du pauvre Bardolph ne soit coupé avec une ficelle d’un sou et d’une manière ignominieuse. Parle, capitaine, en faveur de sa vie, et je serai reconnaissant de ce service.

Fluellen. — Enseigne Pistol, je vois bien à peu près ce que vous voulez dire.

Pistol. — Allons, tant mieux pour vous.

Fluellen. — Certainement, Pistol, il n’y a pas là de quoi dire tant mieux ; car, voyez-vous, il serait mon frère, que je prierais le duc de suivre son bon plaisir, et de le faire exécuter ; car il faut observer la discipline.

Pistol. — Meurs, et va à tous les diables, et figue pour ton amitié.

Fluellen. — Fort bien.

Pistol. — Je te souhaite une figue d’Espagne[1] !

(Pistol sort.)

Fluellen. — Fort bon.

Gower. — Cet homme-là, c’est le plus fieffé misérable qui fut jamais. Je le remets bien à présent ; c’est un infâme entremetteur, un coupe-jarret.

Fluellen. — Je vous assure qu’il proférait sur le pont les plus braves paroles qu’on puisse jamais voir dans les plus beaux jours de l’été ; mais cela est égal, ce qu’il vient de me dire…. C’est fort bien…. Je vous assure que quand l’occasion se trouvera….

Gower. — Par Dieu ! c’est un filou, un bouffon, un fripon, qui de temps en temps va à la guerre, pour avoir l’avantage, à son retour à Londres, de se parer du costume d’un militaire. Ces drôles-là savent, à point nommé, les noms de tous les chefs d’une armée ; ils vous diront par cœur tout ce qui s’est passé dans le service, et où il s’est fait ; ils vous nommeront les lieux où il y aura eu la moindre escarmouche : c’était à tel endroit, à telle brèche, à tel ou tel convoi ; ils vous diront qui s’est distingué, qui fut tué, qui s’est déshonoré, quels étaient les postes

  1. Allusion aux figues empoisonnées, instruments de la vengeance italienne et espagnole.