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ACTE III

le chœur. Ainsi, d’une vitesse égale à celle de la pensée, la scène vole sur une aile imaginaire. Figurez-vous le roi dans l’appareil de la guerre, sur la jetée de Hampton[1], montant sur l’Océan, suivi de sa belle flotte, dont les pavillons de soie éventent le jeune Phébus : livrez-vous à votre imagination, qu’elle vous montre les mousses gravissant le long des cordages : écoutez le sifflet perçant qui met de l’ordre dans les sons confus : voyez les voiles, enflées par le souffle insinuant des vents invisibles, entraîner, au travers de la mer sillonnée, ces masses énormes qui offrent leurs flancs aux vagues superbes : imaginez que vous êtes debout sur le rivage ; voyez une cité qui danse sur les vagues inconstantes : tel est le tableau que présente cette flotte royale, dirigeant sa course vers Harfleur. Suivez ! suivez ! Attachez votre pensée à la poupe des vaisseaux, et quittez votre Angleterre silencieuse comme la nuit profonde, gardée par des vieillards, des enfants et des femmes, qui tous ont passé ou n’ont pas atteint encore l’âge de la force et de la vigueur. Car quel est celui dont un léger duvet ait orné le menton qui n’aura pas voulu suivre cette brave élite de guerriers aux rives de la France ? — Que votre pensée travaille et vous y montre un siége : contemplez les canons sur leurs affûts, ouvrant leurs bouches fatales sur Harfleur bloqué. — Supposez que l’ambassadeur revient de la cour des Français, et annonce à Henri que le roi lui offre sa

  1. « La plaine où campa Henri V est aujourd’hui couverte en entier par la mer. » (Warton.)