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ce roi. Que Votre Altesse interroge les derniers ambassadeurs ; sachez d’eux avec quelle grandeur il a reçu leur ambassade ; de quel nombre de sages conseillers il est environné ; combien il est modeste dans ses objections ; mais aussi combien il est redoutable par la constance de ses projets, et vous vous convaincrez que ses folies passées n’étaient que le masque du Brutus de Rome, qui cachait la prudence sous le manteau de la folie, comme des jardiniers couvrent de fumier les plantes qui poussent les premières et sont les plus délicates.

Le dauphin. — Non, connétable, il n’en est pas ainsi ; mais quoique votre opinion ne soit pas la nôtre, il n’importe. Lorsqu’il est question de se défendre, le mieux est de supposer l’ennemi plus fort qu’il ne le paraît ; c’est le moyen d’avoir prévu tous les moyens de défense ; car, si ces moyens sont faibles et mesquins, c’est imiter l’avare qui pour épargner un peu d’étoffe gâte son vêtement.

Le roi de France. — Voyons dans Henri un ennemi puissant, et vous, princes, armez-vous énergiquement pour le combattre. Sa race s’est engraissée de nos dépouilles, et il est sorti de cette famille sanguinaire qui nous vint effrayer comme des fantômes jusque dans nos foyers : témoin ce jour trop mémorable de notre honte, où les champs de Crécy virent cette bataille si fatale à la France, lorsque tous nos princes furent enchaînés par le bras de ce prince au nom sinistre, de cet Édouard, dit le prince Noir, tandis que son père, sur le sommet d’une montagne, et placé à une grande élévation où les rayons dorés du soleil venaient le couronner, contemplait son héroïque fils, souriant de le voir mutiler l’ouvrage de la nature, et défigurer toute cette belle jeunesse que Dieu et les pères français avaient créée depuis vingt années. Il est un rejeton de cette tige victorieuse : craignons sa vigueur native et ses hautes destinées.

(Entre un messager.)

le messager. — Des ambassadeurs d’Henri, roi d’Angleterre, demandent audience à Votre Majesté.

Le roi de France. — Nous la donnerons dans l’instant même. Allez, et introduisez-les. (Le messager sort avec une