Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1862, tome 7.djvu/139

Cette page n’a pas encore été corrigée

en indemnité, il vous envoie, comme un présent plus conforme à vos inclinations, le trésor que contient ce baril ; et il demande qu’en reconnaissance de ce don, vous laissiez là les duchés que vous réclamez, et qu’ils n’entendent plus parler de vous. Voilà ce que dit le dauphin.

Le roi. — , au duc d’Exeter. — Quel trésor, cher oncle ?

Exeter. — Des balles de paume, mon souverain !

Le roi. — Nous sommes charmé de trouver le dauphin si plaisant avec nous, et nous vous remercions, et de son présent et de vos peines. Quand une fois nous aurons ajusté nos raquettes à ces balles, nous espérons, avec l’aide de Dieu, jouer en France un jeu à frapper la couronne du roi, son père, et à l’envoyer dans la grille[1]. Dites-lui qu’il vient d’engager la partie avec un adversaire tel qu’il lancera ses balles dans toute la France. Nous le comprenons bien quand il fait allusion aux égarements de notre jeunesse, sans examiner l’usage que nous en avons fait. Non, jamais nous n’avons fait cas de ce trône chétif de l’Angleterre ; et en conséquence, vivant loin de lui, nous nous sommes abandonné à une licence effrénée, comme il arrive toujours que les hommes sont plus gais quand ils sont hors de chez eux ; mais dites au dauphin que je saurai garder ma dignité, que je me conduirai en roi, et que je déploierai toute l’étendue de ma grandeur quand je me réveillerai sur mon trône de France. C’est pour y parvenir que, déposant ici ma majesté, j’ai travaillé comme un pauvre journalier. Mais c’est en France qu’on me verra m’élever avec tant d’éclat que j’éblouirai tous les yeux : oui, le dauphin sera aveuglé en contemplant les rayons de ma gloire. Et dites encore à ce prince si plaisant, que cette plaisanterie de sa façon a changé ses balles de paume en boulets de pierre[2], et que sa conscience restera mortellement chargée de la vengeance meurtrière qu’elles feront voler dans ses États. Cette plaisanterie

  1. Terme du jeu de paume.
  2. Les premiers boulets furent de pierre.