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GS La MARCHAND DE venise.

naire cruauté, que tu sembles montrer ; qu’au lieu d’exif ger la condition du billet (qui est une livre de chair de ce pauvre marchand), tu ne te contenteras pas seulement de te désister de tes prétentions a cet égard ; mais encore que, touché de sentiments de douceur et d’l1umanite, tu lui remettras la moitié de sa dette, et que tu ietteras un œil de pitié sur les pertes accumulées qui sont venues fondre sur lui en assez grand nombre pour écraser un marchand roi, et pour attendrir sur son sort des cœurs d’airain et les sauvages âmes de pierre des Turcs inflexibles et des Tartares, qui ne connurent jamais les devoirs de la douce courtoisie. Nous attendons de toi une-réponse favorable, Juif.

surcocx.-J’ai communiqué mes résolutions at Votre Grâce : j’ai juré, par le saint jour du sabbat, d’exiger mon du et l’accomplissement de l’obligation. Si vous me refusez, puissent les suites de cette infraction retomber sur votre constitution et les libertés de votre ville ! Vous me demanderez pourquoi j’aime mieux prendre une livre def chair morte que- de recevoir trois mille ducats ? À cela je n’ai point, d’autre réponse, sinon que c’est mon idée. N’est-ce pas là répondre ? Eh bien ! si un rat fait du dégât dans ma maison, ne suis-je pas le maître de donner dis mille ducats pour le faire empoisonner ? Vous ne trouvez pas encore cette réponse suffisante ? Il y a des gens qui n’aiment pas a voir sur cette table un cochon de lait la gueule beauté ; quelques-uns, qui deviennent furieux quand ils y voient un chat ; et d’autres, au nasillement de la cornemuse, ne peuvent retenir« leur urine : car notre disposition, maîtresse de nos passions, influe souverainement sur les gouts et les dégoúts de lfhomine. Pen viens à ma réponse : De même qu’il n’y a point de raison pourquoi 1`un ne saurait supporter la vue d’un cochon la gueule bean te, lãautre celle d’un chat, animal innocent et nécessaire, et l’autre le son de la cornemuse ; mais qu’ils sont tous 'forcés de céder et cette faiblesse inévitable, d’offenser quand ils sont oifenses : de même je ne peux ni ne veux donner d“autre raison de la poin*suite d*un procès si préjudiciable pour moi, qu’une —u